lundi 9 février 2009

Divorce party : changement de paradigme majeur ou simple mode innocente?

Analyse des principales raisons du succès de la divorce party et des objections majeures qu'elle soulève

Arriver à comprendre pourquoi la divorce party plait autant et pratiquement dans le monde entier, n'est pas aussi simple que ca parait à première vue. En fait, ce concept de fête soulève de nombreuses questions et s'avère par certains aspects presque aussi mystérieux que la sexualité féminine (à tel point d'ailleurs qu'il y a beaucoup plus d'hommes qui se demandent comment draguer que de femmes qui recherchent comment plaire à un homme ou réussir leurs relations de couple!). Comme quoi, ce qui est évident pour les un(e)s ne l'est pas forcément pour les autres... même si, en définitive, ça se voit comme le nez au milieu du visage.

Faut-il penser que les femmes fêtent leur divorce tout simplement parce qu'elles n'ont plus envie de se casser la tête comme autrefois, tel que le suggère le titre du livre "Comment séduire homme sans se fatiguer"? Peut-être, qui sait? En tous cas, pour certaines personnes, la divorce party est la voie pour ne plus se compliquer la vie. Il est vrai, vous en conviendrez surement, que vivre à deux, maritalement ou non, n'est pas toujours aisé et, franchement dit, c'est parfois bien compliqué.

Toute blague à part, trouver comment cette fête a pu rencontrer une telle popularité, c'est quelque peu comme rechercher le point G. C'est seulement une fois qu'on est arrivé à mettre le doigt dessus qu'on peut le retrouver... encore fait-il savoir où chercher d'abord. Pour faire une analogie, à l'instar des Monk, Columbo et autres détectives, il faut donc procéder par tâtonnements, se poser pas mal de questions et avoir un brin d'intuition ou de chance.

A propos de mentalité féminine, une fois que vous aurez lu au complet les différentes sections de cette étude sur la divorce party, vous comprendrez pourquoi le développement de cette invention sociale pourrait s'avérer un modèle de stratégie du type révolution tranquille, somme toute bien pacifique et très efficace, dont pourrait s'inspirer bien des stratèges, des leaders politiques (qui veulent "moderniser" de gré ou de force la société, tels que le président Nicolas Sarkozy en France, ou qui ont le devoir de redresser l'économie, tels que le président Barack Obama aux Etats-Unis) aux dirigeants d'entreprise, en passant par les syndicalistes, des partisans du mariage gay aux écoles de commerce, en passant par les organismes de défense de la cause des homosexuels, lesbiennes et transsexuels et autres associations de protection des droits et libertés des personnes et de l'environnement.

Il ne semble pas que le développement du phénomène de la divorce party se soit directement ou explicitement ou consciemment inspiré des expériences des diverses "révolutions spontanées" non violentes, bien pensées, planifiées et organisées, i.e. en particulier celles de la "Révolution du Cèdre" en 2005 au Liban, de la "Révolution orange" en 2004 en Ukraine, de la "Révolution des Roses" en 2003 en Géorgie, de la "Révolution de Velours" en 1989 en Tchécoslovaquie ou de la "Révolution des Oeillets" en 1974 au Portugal. Mais il y a diverses similitudes.

Dans la forme, c'est un style de révolution, en l'occurrence un changement profond et assez brusque des moeurs, s'appuyant sur un "art de la paix" presque similaire à la stratégie des dites révolutions ou bien encore à celle du jeu de Go chinois ou japonais (stratégie d'encerclement et de construction de territoires ou de groupes, sans aucun sacrifice ni suppression de pièces comme au jeu d'échecs), qui ferait certainement l'admiration de Sun Tzu, auteur de "l'art de la guerre". Dans le fond (dans ses ingrédients, sa dynamique et ses forces), c'est également un mouvement populaire, d'une certaine amplitude, basé sur un assez large rejet d'une institution solidement en place mais considérée comme étouffante (la conception du mariage censé être pérenne) et émanant de citoyen(ne)s agissant pacifiquement, démocratiquement et en toute transparence, pour faire plier le pouvoir (un certain ordre établi et une certaine opinion publique), briser une certaine chape de plomb ou tabou (le côté triste ou malheureux du divorce) et finalement faire évoluer la situation. Ne serait-ce pas merveilleux si on pouvait d'une manière ou d'une autre appliquer ces différentes tactiques d'implosion pour supprimer le terrorisme? En tout cas, que l'on soit d'accord ou non avec la divorce party, il y a matière à réfléchir. Ce n'est pas le moindre de ses mérites.


Quelles questions peut-on se poser?

Vous vous demandez quelles interrogations on peut avoir au sujet de la divorce party? En voici quelques unes pèle-mêle.

Pourquoi vouloir faire une divorce party? Quels sont les arguments avancés officiellement, à mots couverts ou en privé? Est-ce que ce sont les vraies raisons? A quoi ca sert vraiment? Est-ce que fêter ainsi son divorces est bien utile? Si oui, en quoi? Qu'est-ce qui pousse, en leur for intérieur, les personnes nouvellement divorcées à organiser une divorce party? Les raisons évoquées dans les divers médias, qui ne sont pas toujours très objectifs, correspondent-elles vraiment aux motivations profondes des hommes et des femmes qui fêtent leur divorce? Pourquoi y a-t-il beaucoup plus de femmes que d'hommes qui célèbrent la fin de leur mariage? Leurs motivations respectives sont-elles les mêmes? Si oui, pourquoi y a-t-il plus de femmes qui expriment leur engouement dans les médias et en particulier sur Internet? Est-ce parce qu'elles ressentent le besoin pressant d'affirmer leur liberté? Pourquoi y a-t-il tout d'un coup autant de personnes qui ressentent le besoin de célébrer leur divorce? Pourquoi auparavant les gens ne fêtaient pas leur divorce? Pourquoi pas au moins d'une certaine manière ou de la même façon qu'on fêtait l'enterrement de vie de garçon? Pourquoi la fête du divorce fait-elle autant d'émules actuellement? Qu'est-ce qui a changé dans la mentalité de nos contemporains? Qu'est-ce ce qui a permis cette évolution des moeurs? La divorce party est-elle une simple mode passagère? Est-ce un engouement complètement innocent? Qu'a-t-elle de particulier pour avoir un si grand succès? Comment se fait-il qu'il y ait autant de divorce parties dans le monde entier? Y a-t-il un lien quelconque entre-elles? Etc.... Je vous fais grâce de toutes les autres questions que je me suis posé au cours de mes séances de brainstorming pour finalement arriver à un début d'explication.

Afin de mieux comprendre les raisons du succès de la divorce party et les causes des objections qu'elle soulève, il importe tout d'abord de dresser un petit portrait global de la situation. Ceci permettra de préciser les questions exactes à se poser et conséquemment de mieux définir pourquoi la divorce party fait fureur et ce qui pose réellement problème aux yeux des gens. En effet, savoir poser les bonnes questions permet déjà d'avoir des éléments de solution ou des pistes de réponses.

Mais savoir trouver les bonnes questions à se poser, celles qui sont les plus pertinentes, n'est pas simple, ni facile. De plus, il n'est pas très aisé d'avoir une approche entièrement neutre et parfaitement objective en matière de philosophie du sexe et de psychologie sociale, comme on peut éventuellement y arriver dans le domaine des sciences exactes telles que les mathématiques ou la physique. Les êtres humains sont trop complexes à comprendre pour être mis en équation (sinon il n'y aurait pas autant de problèmes, de conflits et de guerres dans le monde... et de divorces en France et partout ailleurs).

Par ailleurs, la manière dont on pense et ce à quoi l'on croit définit la vision que l'on a du monde et peut orienter le débat dans un sens ou dans l'autre. Il peut donc y avoir éventuellement des biais subjectifs. Toutefois, tel que défini dans la mission du blog sexualité et érotisme, les différents aspects de la sexualité humaine sont abordés sans vouloir faire la morale à quiconque, sans avoir de jugement de valeur, sans tabou, ni préjugé d'aucune sorte, et ce dans le seul but de partager des observations, idées et analyses des faits tels que perçus. C'est à vous de faire vos propres choix, en fonction de vos propres convictions personnelles et en pesant bien le pour et le contre des divers arguments avancés par les uns et les autres. Aussi, aucune solution ou orientation n'est prônée ou considérée valable plus qu'une autre ou au contraire condamnée, car ce choix vous appartient. Merci d'avance d'en tenir compte en lisant ce qui suit et toutes les autres parties de cette étude.

Quelques réflexions en guise de petit portrait global

Manifestement, la divorce party est un concept de fête qui plait énormément, et ce de plus en plus en Amérique du Nord et en Europe et par un nombre croissant de personnes nouvellement divorcées dans de plus en plus de pays. Pourquoi? Est-ce parce qu'il y a un phénomène de mode que les gens suivent aveuglement ou est-ce pour une autre raison plus fondamentale? Telle est la première question à se demander pour mieux comprendre les raisons fondamentales des gens (ce qui les a motivé et les pousse à fêter leur divorce) et les causes de ce phénomène mondial (ce qui a permis et facilité son expansion).

Cette question en amène une autre. Comment se fait-il que des gens de cultures et de religions différentes ressentent tous le besoin de fêter leur divorce? Ce besoin quasi-universel soulève d'autres problèmes. Est-ce à dire que partout les différents types de mariage ne donnent plus satisfaction aux couples actuels? Faudrait-il que les législateurs inventent une autre sorte de mariage ou d'union conjugale, en s'inspirant par ex. du modèle français des contrats de travail à durée déterminée, de la pratique américaine de la gestation pour autrui (i.e. le recours à une mère porteuse) ou encore du modèle musulman (chiite) du mariage temporaire (mut'a en arabe, dit aussi mariage de jouissance)?

Par ailleurs, deux contre-courants sont à remarquer.

Premièrement, la divorce party en tant que telle (que ce soit dans son contenu ou dans sa forme) ne fait pas l'unanimité parmi toutes les personnes divorcées. Ce qui peut s'expliquer simplement par le fait que chaque personne est libre de penser et de faire ce qu'elle veut, sans se sentir obligée de suivre une mode qu'elle ne désapprouve ou n'approuve pas forcément. Est-ce vraiment le cas? Si non, qu'est-ce qui les freinent ou les en empêchent?

Deuxièmement, force est de constater que le fait de célébrer son divorce, que ce soit d'une manière ou d'une autre, joyeusement en public ou sobrement en privé, rencontre manifestement une certaine opposition plus ou moins sourde ou déclarée ou belliqueuse.

En lisant les commentaires sur les forums, les groupes de discussion et les blogs, on constate que la divorce party dérange fondamentalement beaucoup de monde (pratiquement la majorité des gens, les jeunes comme les personnes plus âgées, les personnes mariées et les couples vivant en union libre comme les célibataires). Jusqu'à récemment, cette réticence ou opposition se manifestait, dans la grande majorité des cas, sans vraiment la formuler clairement ou directement, comme si les gens laissaient faire ou ne réalisaient pas ce qui se passait. Mais on constate actuellement, de plus en plus souvent, qu'elle s'exprime avec une telle passion que le débat devient complètement stérile ou carrément impossible. Pourquoi y a-t-il une telle animosité et est-elle légitime ou justifiable? Telle est la deuxième question à résoudre. Elle amène d'autres interrogations. La divorce party est-elle simplement victime de son succès, i.e. un peu comme la plupart des gens s'opposent systématiquement à tout type de progrès ou de changement trop brusque? Ou bien est-ce parce que les gens n'aiment pas ce qu'elle est ou représente? Est-ce tout simplement parce que ce qui séduit les uns irrite les autres? Ne serait-ce pas plutôt parce qu'un changement de paradigme est en train de se produire sous nos yeux? En ce cas, pour quelles raisons?

Ce qui est sûr, c'est qu'il y a incontestablement un véritable phénomène de mode pour la fête du divorce, non pas uniquement ou principalement dans un seul pays (par ex. en France ou au Québec), dans un groupe de pays de culture similaire (en l'occurrence dans les pays occidentaux ou les pays anglo-saxons) ou dans quelques différents pays plus ou moins nombreux par ci par là, mais littéralement au plan mondial, et ce malgré les critiques de plus en plus nombreuses qu'elle suscite. Toutefois, le besoin de fêter son divorce semble bien plus fort que l'opposition qui est en train de se développer. Qu'est-ce qui peut l'expliquer?

Le développement rapide de ce phénomène de mode planétaire peut s'expliquer par divers facteurs globalisateurs dont les effets en s'accumulant les uns aux autres entrainent un effet boule de neige. On peut les regrouper en deux grandes catégories de facteurs convergents mais de sources distinctes :

- d'une part, du côté des personnes, la vitesse de circulation des idées favorisée par la globalisation de l'économie (vente de journaux dans le monde entier, etc., et diffusion mondiale des nouvelles), l'acquisition de nouveaux comportements que permet la libéralisation généralisée des communications (Internet, télévision par satellite, réseaux sociaux, SMS ou système d'envoi de texto, etc., et multilinguisme des bloggeurs et influenceurs d'opinion) et la perméabilité aux idées nouvelles que permet une certaine uniformisation des façons de penser (pensée unique favorisant l'individualisme et le matérialisme) et des modes de vie (phénomène d'américanisation ou d'occidentalisation des sociétés) et également

- d'autre part, du côté des entreprises, la pression médiatique globale favorisée par une certaine convergence des médias (c.-à-d. ce qu'on appelait autrefois un monopole et qui était combattu par les lois anti-trust car contraire à la libre concurrence), la puissance des moyens de communication des firmes transnationales et les intérêts croisés des entreprises (alliances entre marchands de biens et prestataires de services).

Mais ces facteurs n'expliquent pas tout. Ils ont facilité l'émergence de ce phénomène de mode et ils n'ont permis que l'essor de cet engouement pour la divorce party. Sauf pour certaines personnes qui se comportent comme des moutons, sans se poser vraiment de questions, pour suivre la mode ou pour faire comme leurs ami(e), c'est à la base le besoin de fêter son divorce qui a fait que "la mayonnaise a pu bien prendre" si vous me permettez cette expression, et c'est bien sûr aussi la volonté de briser une certaine conception du divorce, soutenue par les autres ingrédients et facteurs, qui lui a permis de se développer aussi vite. Sans ce besoin et cette volonté des gens, la divorce n'aurait pas pu connaitre le succès qu'elle a aujourd'hui.

Par ailleurs, dans la section consacrée aux origines de la divorce party, on verra que cette fête prend en fait sa source dans les sociétés pré-patriarcales (du temps où, idéalement, il n'y avait pas de guerre des sexes) et qu'elle est par bien des aspects comme le phoenix qui renait de ses cendres. Sans dévoiler pour le moment les "mystères de son origine" (car vous aimez probablement le suspense si vous êtes comme moi), je peux vous dire d'ores et déjà que c'est l'affirmation des droits des femmes et de l'égalité des sexes qui a permis la naissance ou la résurgence (ceci dit pour ajouter un peu d'intrigue supplémentaire) de la célébration festive du divorce. Autrement dit, c'est grâce à la maturité du néo-féminisme (non combattant) qui imprègne nos sociétés que ce besoin a pu s'exprimer. Comme quoi il ne faut pas sous-estimer la force tranquille des femmes.

Ce qui explique pourquoi la divorce party n'était pas pratiquée auparavant dans le monde entier, avant le début des années 1980, date à laquelle cette fête a pris son envol aux Etats-Unis puis s'est progressivement propagée dans le monde entier. C'est finalement au cours des cinq dernières années, à partir des années 2004, que le phénomène de la divorce party a connu une progression considérable pour littéralement "exploser" à partir du début des années 2008, comme l'atteste la croissance du nombre de sites consacrés à l'organisation de cette fête. Ce qui explique aussi pourquoi il y a plus de femmes que d'hommes qui célèbrent leur divorce et c'est peut-être également pourquoi les hommes commencent à "se réveiller" seulement maintenant.

Dans le même temps que la divorce party se développait quasi-silencieusement, sans que les médias n'en parlent trop et avant que les agences d'organisation d'événements festifs ne saisissent cette opportunité de marché, on a constaté qu'il y avait aussi une montée de réticence manifeste mais sourde dans tous les pays, comme si les gens n'arrivaient pas à mettre des mots précis sur leur malaise ou pensaient que la divorce party allait disparaitre bientôt tout d'un coup par elle-même comme elle est venue. Ou bien est-ce parce que les hommes ont pour la plupart démissionné ou qu'ils laissent aller les choses, advienne que pourra, comme en matière d'environnement? Ou est-ce, comme dans bien d'autres domaines où l'esprit démocratique devient une peau de chagrin, parce que les gens s'attendent à que l'Etat intervienne et légifère ou qu'un groupe d'experts se prononcent pour ou contre et fassent le nécessaire?

En fait, en observant d'un peu plus prés les choses, on remarque actuellement qu'il y a,
- d'un côté, un mouvement profond, sous-tendu par un engouement indéniable mais "quasi-aveugle", en apparence presque à la limite du raisonnable, comme si c'était vital pour les personnes qui fêtent leur divorce, et
- de l'autre, une grogne certaine mais outrancière quand elle s'exprime, les partisans et les opposants s'invectivant par forums interposés, sans qu'il y ait de réel dialogue intéressant et fructueux entre les deux camps.

De plus, ça se passe sans que les uns et les autres veuillent dire précisément pourquoi personnellement, sauf à s'adresser mutuellement des remontrances ou des invectives (du genre "t'es un macho arriéré qui veut maintenir la femme sous la domination de l'homme" - "t'es une féministe dévergondée qui veut chambouler l'ordre normal des choses"), soit simplement parce qu'ils ne sont pas à même de pouvoir expliciter clairement et calmement leurs points de vue ou bien parce qu'ils n'osent pas ou ne désirent pas affirmer haut et fort leurs raisons et motivations par crainte de révéler quelque chose de plus fondamental ou de perturbant, un peu comme si de part et d'autre on voulait cacher quelque chose de précieux ou qu'on n'osait pas vraiment dire les choses telles qu'elles sont.

Pourquoi un tel mystère, une telle cachoterie ou une telle absence de débat sérieux? En outre, on ne peut que déplorer que les médias se contentent de faire la promotion de la divorce party, comme si les journalistes et les critiques avaient disparu ou n'osaient pas aborder ce sujet. Est-ce parce que le sujet est sensible par certains côtés et qu'ils ne veulent pas léser les intérêts commerciaux de leur direction ou parce qu'ils ont peur de déraper et de se faire traiter de sexistes? Autrement dit, dans les faits, il est intéressant de constater que la presse a été d'une certaine façon muselée, et ce que cela soit finalement un bienfait au nom de la liberté d'action des gens ou qu'on le déplore au nom de la liberté d'expression.

Plutôt que de confronter les différents points de vue dos à dos, ce qui ne permet pas d'avoir une vision claire, il est préférable de prendre de la hauteur et de comparer les points de vue dans leur globalité respective. On peut aussi analyser autrement les choses, pour arriver éventuellement à voir la foret dans son ensemble au lieu d'observer uniquement les arbres. Autrement dit, il faut trouver ce qui a permis à la foret de pousser et dans quel sens elle s'en va, ce qui permettra peut-être de trouver en quoi son développement dérange et qui il dérange. En l'occurrence, qu'est qui a permis à la divorce party d'émerger et de connaitre un tel succès?

Cyniquement dit (en se moquant tout à la fois des manichéens, qui croient qu'il y a d'un côté ce qui est tout bien et et de l'autre ce qui est tout mal, et des gens qui prônent la pensée unique politiquement correcte tout en usant de la langue de bois), est-ce parce qu'on y fête la chute du prince charmant qui n'a pas su être à la hauteur des rêves et des espoirs ou la fin des illusions de la belle princesse? Il y a certainement un peu de ça, mais ce n'est pas que ça, ni d'ailleurs forcement que ça. Les motivations humaines sont trop diverses et complexes. Même si l'individualisme ambiant permet à l'être humain d'être beaucoup plus individuel qu'autrefois, il reste toujours fondamentalement un être social qui se meut, travaille, se divertit et vit au sein d'une communauté et qui agit ou réagit en fonction des relations qu'il a avec son entourage. Si le fait de célébrer son divorce suppose, par définition, un changement de mentalités au plan individuel, le phénomène de la divorce party est bien un changement de paradigme au niveau de l'ensemble de la société et, de par son ampleur, au niveau du monde entier.

Qu'est-ce qu'un changement de paradigme?

Avant de passer à la prochaine section, il importe de définir ce qu'est un paradigme pour comprendre en quoi la divorce party pourrait être l'indice d'un changement de paradigme en ce qui concerne la manière de voir les rapports conjugaux, matrimoniaux et familiaux, voire sociaux.

Définition scientifique du paradigme

En des termes scientifiques, le paradigme est un modèle de pensée (plus ou moins cohérent jusqu'à ce qu'on découvre ses failles ou faiblesses) qui oriente la recherche et la réflexion et auquel les gens se réfèrent plus ou moins consciemment ou inconsciemment quand ils pensent et agissent. Par ex., la représentation chinoise du monde par la symbolique du Yin et du Yang est un paradigme. Cette façon de penser a fait que les anciens savants chinois ne se sont pas penchés sur la question de la matière ou de la "matérialité" de la réalité puisque, pour l'expliquer très schématiquement, tout dans l'univers est souffle-énergie (de l'infiniment grand jusqu'à l'infiniment petit, y compris une montagne, le vent ou un être humain) et qu'on ne peut appréhender une chose ou un phénomène qu'à travers la dynamique des champs de forces résultant de l'inspiration et de l'expiration du monde. Pour plus de détails, voir l'excellent ouvrage "Histoire de la pensée chinoise" de la sinologue française, Anne Cheng.

Ledit modèle de pensée qui sert d'exemple ou de référence peut être un modèle théorique ou pratique de pensée. Sans qu'on en ait vraiment conscience, chacun de ses modes de pensée a des répercussions sur nos façons de faire, de nous comporter et d'agir, individuellement et collectivement, en l'occurrence notamment au niveau de notre propre sexualité et de la vision sociale de l'institution du mariage que l'on a ou que l'on croit qu'elle soit. Par ailleurs, le modèle de pensée peut être individuel (spécifique à un individu) ou collectif (communément accepté comme vrai ou valable par une communauté), dans des proportions plus ou moins variables.

Le modèle théorique de pensée peut être par ex. un mode de cogitation (par ex. le paradigme de la force masculine qui a conduit les hommes, du moins certains d'entre-eux, à penser que ceux qui sont les plus forts ou qui ont l'armée la plus forte ou la mieux équipée sont forcement ceux qui ont raison) ou tel ou tel courant de pensée qui sert de rail à nos réflexions en tant qu'être social (par ex. la globalisation ou le courant de pensée alter-mondialisme, l'individualisme ou la solidarité sociale, ou encore le paradigme de la guerre préventive ou de la négociation diplomatique ou de la médiation comme mode de résolution des conflits, tout dépendant du milieu dans lequel on vit, des valeurs véhiculées par la société et de l'éducation que l'on a reçue). Notre modèle de pensée peut être aussi influencé ou modifié par nos expériences personnelles (par ex. les femmes qui ont subi des violences conjugales ne voient pas le mariage de la même façon que celles qui filent encore le parfait amour ou qui vivent en bonne harmonie avec leur conjoint).

Le modèle pratique de pensée peut être par ex. une procédure méthodologique, une grille de lecture (par ex. le paradigme de la démocratie ou celui de la communauté des croyants musulmans, dite Oumma), une enquête épistémologique, une pratique médicale (ou praxis, par ex., la médecine conventionnelle occidentale ne repose pas sur les mêmes paradigmes que la médecine alternative ou que la médecine chinoise ou que les techniques africaines de guérison) ou bien encore ce sur quoi se base le processus de production d'une entreprise ou la manière de gérer le personnel d'une organisation (d'où, par ex., l'incitation des gestionnaires à vouloir changer de gré ou de force les paradigmes des employés qui ne leur conviennent pas, par ex. au nom du paradigme de la mobilité du personnel, de la primauté du capital ou de la flexibilité du travail).

Trois grandes conséquences en résultent.

1) Tout d'abord, le modèle de pensée adopté définit, par voie de conséquence, la manière de saisir et de comprendre la réalité (le monde, notre environnement, etc., et ce que nous sommes ou comment nous nous percevons en tant qu'être humain), plus précisément, ce qui nous semble être la réalité ou ce que nous pouvons percevoir comme telle à un moment donné de l'état des connaissances scientifiques et technologiques et, bien entendu, tout dépendant de notre propre savoir, de notre degré d'évolution personnelle, des types d'expériences que l'on a eues (personnellement ou collectivement, par ex. l'attentat du 11 septembre 2001 à New-York ou le fait d'avoir échappé à un génocide ou à un acte terroriste), des prémisses, hypothèses, valeurs ou croyances que nous adoptons et selon le cas du groupe social auquel on appartient ou s'identifie. Par ailleurs, il est aussi intéressant de noter qu'un même événement ne produit pas le même paradigme ou le même changement de perception du monde chez toutes les personnes, voir par ex. "Depuis le 11 Septembre" et "Pour l'Amérique contre bush".

2) Le complexe formé par nos divers paradigmes (autrement dit, l'ensemble de nos systèmes de représentations individuels et collectifs) détermine finalement ce que l'on peut comprendre, trouver ou solutionner et incidemment ce que l'on juge digne d'intérêt, les questions à se poser et les problèmes à résoudre. Par ex., ceux qui croient aveuglement au progrès technologique considèrent qu'il n'est pas important ou essentiel de tenir compte de ses conséquences et impacts négatifs ou destructeurs immédiats ou futurs parce qu'ils pensent qu'il y a un phénomène d'auto-régulation "naturel" et que les problèmes se résolvent au fur et à mesure pour le mieux, de même ceux qui croient aux vertus des lois du marché ou qui considèrent l'ensemble des matières premières, des plantes, des animaux et des êtres humains comme des ressources à exploiter.

3) Etant modélisés, formés ou basés sur un certain type de pensée (reposant sur une certaine manière d'appréhender, de voir ou de percevoir les choses et induit par une certaine vision du monde), les paradigmes peuvent être différents selon les époques et les pays et différer selon les personnes, les groupes sociaux, les disciplines étudiées et les groupes de pression, en fonction de leurs besoins, désirs et intérêts. C'est, entre autres raisons, pourquoi il est étonnant que la divorce party connaisse partout un énorme succès, et qui me fait dire qu'il y a un changement de paradigme au niveau mondial et beaucoup plus large que le simple phénomène de la divorce party.

Définition simple du paradigme

Pour mieux comprendre les incidences du paradigme sur lequel repose le concept de la divorce party et qui produit ou entraine un changement de conception du mariage et incidemment du divorce, voire de l'ensemble des mentalités et des moeurs sexuelles d'une grande partie de nos contemporains, je vous propose une définition un peu plus simple, moins théorique et plus pratique. Très simplement dit, un paradigme est une certaine façon de voir les choses.

Comme cette définition peut vous apparaitre quelque peu simpliste, je vais ajouter quelques précisions en disant les choses autrement. C'est, en quelque sorte, un cadre de pensée qui sert de modèle, de base ou de point de référence à nos activités intellectuelles et actions. Il est déterminé par la façon de cogiter (c.-à-d., selon le cas, de penser, de réfléchir, de raisonner, de concevoir, d'imaginer, d'appréhender, d'étudier, de comparer, de percevoir, de comprendre, de juger, d'analyser, etc., ou de méditer) et il détermine les manières de se comporter et d'agir d'une personne ou d'un groupe d'individus.

Définition du changement de paradigme

Il y a un nouveau paradigme quand la nouvelle façon de voir les choses remet en cause (ou s'efforce de modifier) tout ou partie des choses que l'on croyait vrai, juste, avéré ou fondé auparavant. Un changement de paradigme peut avoir diverses origines, causes ou sources.

Celui-ci peut être le fruit de nouvelles inventions ou découvertes ou résulter d'une nouvelle orientation ou d'une modification de la pensée ou d'une autre démarche de l'esprit. Par ex. la théorie du chaos et les théories constituant la physique quantique sont des nouveaux paradigmes qui remettent en cause les certitudes scientifiques couramment admises jusqu'à leur apparition.

Le nouveau paradigme peut-être aussi une démarche volontaire initiée par certaines personnes ou résultant de forces concomitantes. Par ex., au niveau individuel et sociétal, la mondialisation fait voler en éclats (ou essaie de briser) les anciens modèles de sociétés (le paradigme de la lutte des classes, le patriotisme, le nationalisme, etc., et la conception du rôle de l'Etat) comme l'explique Alain Touraine dans "Un nouveau paradigme : Pour comprendre le monde d'aujourd'hui".

Bref, un nouveau paradigme est donc une nouvelle façon de comprendre le monde, ce qui nous semble être la réalité ou ce que nous voudrions que soit la réalité.

Ainsi, notre système de pensée (par ex. croire en la magie, à la sorcellerie, à la voyance ou à l'astrologie, croire à la bonté humaine ou au matérialisme ou à la spiritualité, croire en Dieu ou en des Dieux ou être athée ou agnostique, etc., ou encore voir la Terre comme un organisme vivant à protéger ou être au contraire contre toute forme de vision écologique au nom du paradigme du profit) influence la façon
- dont on perçoit la réalité (par ex. ce qui nous semble bien ou mal, dépassé ou à la mode, utile ou maléfique, éthique ou légalement permis, acceptable, nécessaire, praticable, tolérable, admissible, répréhensible ou condamnable) et
- dont on réagit à cette perception (par ex., selon notre état d'esprit, on peut réagir par le suicide, la révolte, la dépression, le stress ou la résilience... ou organiser une divorce party qui est une façon de ré enchanter son monde, de survivre à un traumatisme, à la fin d'un rêve ou à des désillusions et de se donner de nouvelles raisons de vivre en changeant de paradigme).

A partir du moment où l'on comprend cela, on devient automatiquement plus tolérant. C'était mon hymne à la tolérance, à la compréhension humaine et à l'acceptation des différences culturelles. Tous les gens ne sont pas identiques ou similaires et tout le monde peut évoluer de manière différente.


Les deux grandes raisons du succès de la divorce party

Compte tenu de tout ce qui précède, deux grandes questions sont à traiter :
- En quoi le concept de la divorce party remet en cause l'idée qu'on se fait du mariage et du divorce et a contrario pourquoi ce changement de paradigme inquiète?
- En quoi la divorce party est une fête unique en son genre qui comble les besoins des personnes divorcées et a contrario pourquoi ses caractéristiques dérangent?

Une remise en cause de l'idéal du mariage

Premièrement, par delà son aspect purement festif qui choque certains, car elle célèbre la fin d'un mariage, la divorce party remet en cause bien des modes de pensée et des façons de faire. Elle renverse notamment l'idée qu'on se fait du mariage, qu'il soit civil, coutumier ou religieux, et ce, que l'on soit dans un système qui oblige à la monogamie ou qui tolère la polygamie ou le libertinage (officiellement... ou officieusement) ou que l'on soit dans une société de tendance matriarcale ou féministe comme au Québec ou de type patriarcal ou machiste comme dans bien des pays, notamment musulmans.

Pour voir en quoi la divorce party remet en cause l'idée que l'on se fait du mariage, il importe de définir ce qu'est le mariage.

Brièvement dit, le mariage est l'acte par lequel un homme et une femme établissent entre eux une union. Cette définition succincte du mariage n'explique pas grand chose à vrai dire.

Aussi, plutôt que de donner une définition plus détaillée du mariage qui n'aurait pas l'assentiment de tous car les définitions varient selon les pays, les pratiques religieuses (par ex. l'indissolubilité du mariage pour les Catholiques) et la conception personnelle des gens, il est préférable de dire ce que représente ou peut représenter le fait de se marier aux yeux du monde (i.e. pour le public et pour les familles, amis et connaissances des mariés), pour la plupart des personnes d'une manière générale et par delà leurs différences culturelles. Autrement dit, il s'agit, à la fois, de trouver le plus petit commun dénominateur sur lequel tout le monde pourrait s'entendre et donc aussi de discerner ce qui peut varier selon les conceptions individuelles ou sociales des personnes ou des communautés dans lesquelles elles vivent.

Par ailleurs, pour élaguer ce qui fait débat dans le domaine des politiques sexuelles des Etats (d'une manière générale, la question de la liberté de choix sexuel et ce qu'une autorité peut légitimement interdire, réprimer, empêcher, tolérer ou autoriser selon les pays et les époques, et en particulier, l'autorisation ou l'interdiction du "mariage" homosexuel, la reconnaissance ou non des familles homoparentales et ce qui normal ou non socialement ou bien encore, plus globalement, ce qui devrait ou qui peut faire l'objet ou non d'une normalisation ou d'une définition), il importe ici de mettre de côté la question du statut légal susceptible de définir la liaison entre deux personnes du même sexe. Par conséquent, on va considérer ici le mariage dans son acception traditionnelle, i.e. comme l'union contractuelle entre une femme et un homme. Cette définition est certes restrictive, mais acceptable à toutes fins pratiques pour ne pas brouiller le débat, et ce d'autant plus que les Grecs anciens, qui admettaient l'homosexualité, ne parlaient pas de mariage pour désigner le type de relations régissant un couple homosexuel. Pour plus de détails sur les normes sociales que remet en cause la question gay, voir l'excellent article sur les lieux d'invention.

Tel qu'il a été conçu et formalisé, le mariage est, en principe, et ce, quelles que soient les convictions religieuses ou philosophiques des uns et des autres, bien plus que la simple "union légitime d'un homme et d'une femme" qui s'aiment et qui se promettent réciproquement fidélité et assistance. A priori, au départ, lorsque les deux personnes décident d'unir officiellement leur destin, elles ne se marient pas avec l'idée de devoir un jour divorcer, même si ca peut être une possibilité ou une éventualité advenant certaines circonstances (par ex. en cas de violences conjugales ou parce que l'homme et la femme ne sont pas sexuellement compatibles).

Outre les composantes qui caractérisent la célébration du mariage (la plus ou moins longue préparation, le soin accordé au choix de la robe de mariée et au smoking du marié, l'envoi des invitations, la confection de la liste de mariage, la publication des bans, le lieu choisi, la réception des invités, l'ambiance et les habits de fête, le banquet, agapes ou festin, les réjouissances, le message que dégage cet événement, l'affirmation de la conviction du couple de rester ensemble pour toujours, la présence de témoins, les cadeaux donnés, la joie des mariés, le bonheur des parents, amis et collègues, la prise de photographies et de vidéos, la lune de miel, etc., et le fait que la jeune fille en a surement rêvé depuis sa tendre enfance), l'acte de se marier ainsi publiquement marque pour le couple et signale au monde un tournant définitif et décisif de la vie. Il crée une nouvelle entité légale et sociale aux yeux des gens et, en plus, qui est reconnue comme telle par tous et dans tous les domaines de la vie sociale. Autrement dit, le mariage est lourd de symboles.

Il est aussi bien plus qu'un contrat ou qu'une alliance entre deux personnes, en ce sens que le mariage est aussi

- d'une part, une institution sociale, à la fois civile (i.e. plus ou moins laïque) et d'essence religieuse (i.e. fondée par les religions polythéistes dans tous les pays, puis redéfinie par les religions monothéistes et ancrée dans la tradition judéo-chrétienne en Occident),
  • qui "régit la formation et les règles de fonctionnement d'une communauté de vie" (le couple, les parents, les enfants et les autres membres de la famille, par ex. la possibilité donnée aux aïeuls et aïeules ou à un conseil de famille de remplacer les parents qui sont morts ou qui ne peuvent pas manifester leur consentement lors d'un mariage entre mineurs ou l'interdiction de se marier entre ascendants et descendants en ligne directe, notamment en France et au Québec, ou de se marier entre cousins germains consanguins, entre autres Etats, au Nevada et en Suisse) et
  • qui "a pour but de fournir un cadre légal et social permettant au couple de développer (le plus harmonieusement possible) une famille", de générer des enfants et "de perpétuer la société par sa descendance" (la famille représentant la première cellule ou strate de la société et le socle sur lequel toutes les autres institutions sociales s'appuient), et

    - d'autre part, une invention sociale qui dépasse les simples relations entre deux individus (au sein du couple), en ce que le mariage est
  • une interface de communication interpersonnelle et un instrument de cohésion sociale, c'est-à-dire, selon les conceptions, une alliance entre deux familles, clans ou tribus qui permet de rendre des groupes humains dépendants socialement les uns des autres et donc d'assurer une certaine paix civile de proche en proche entre les individus,
  • un moyen permettant au couple d'avoir un certain équilibre psychologique et de trouver une certaine satisfaction sexuelle dans un lieu donné, stable et sécurisé (d'où, par ex., l'obligation du devoir conjugal, d'avoir une résidence commune et de ne pas aller voir ailleurs),
  • un cadre de formation, d'éducation (morale et civique) et d'épanouissement personnel pour les enfants et
  • un outil permettant la transmission sans trop de problèmes des héritages et, le cas échéant, du statut social, des valeurs familiales ancestrales, du savoir-faire et de la culture qui ont été acquis au fil des générations.


  • Ainsi, la divorce party (qui succède au divorce) est l'antithèse de la cérémonie de mariage (qui conclue l'acte de se marier), l'une étant le pendant ou le miroir inversé de l'autre. La fête du divorce officialise et consacre, aux yeux du monde, tout à la fois
    - la fin définitive de l'entité légale et sociale qui avait été créée, au plan juridique et fiscal,
    - la terminaison de la communauté de pensée, de volonté et d'amour qui s'était bâtie, au plan religieux ou spirituel, et
    - la brisure du foyer qui avait été fondé (et, éventuellement, la décomposition d'une famille et la disparition des liens familiaux qui ont pu être tissés), au plan social et familial.

    Par ailleurs, quoique le mariage (en tant que sacrement religieux, et a fortiori en tant qu'institution civile) ne soit pas une invention du Christianisme, le mariage civil (du moins tel que pratiqué dans les pays de la Common Law, ceux basés sur le Code napoléonien et ceux appliquant le droit coranique) est une institution largement inspirée de la Bible et fondée dans ses grands principes sur les écritures de l'Ancien Testament.

    Sans entrer dans les détails, il est intéressant de noter trois passage de la Bible (et qui font partie de la Torah et du Coran):
    - Genèse 1-27 : "Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa, mâle et femelle il les créa... et leur dit : Fructifiez et multipliez-vous...",
    - Genèse 2-18 : "Il n'est pas bon que l'homme soit seul. Il faut que je lui fasse une aide qui lui soit assortie..." et
    - Genèse 2-24 : "C'est pourquoi l'homme quitte son père et sa mère et s'attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair".

    Autrement dit, le mariage est
    - une union des contraires (un mâle et une femelle, donc basée sur la séparation des sexes) instaurée pour briser l'inhérente solitude de la conscience humaine, pour permettre à l'homme de retrouver sa part féminine et la femme sa part masculine (l'âme étant à la fois mâle et femelle, au contraire du corps qui lui est sexué) et pour créer une certaine dynamique (à l'instar du noyau de l'atome formé d'un poids égal de proton(s) et de neutron(s), ou en allant encore plus loin, jusqu'à l'infiniment petit, le quartz et l'antiquartz, voir à ce sujet la structure de la matière),
    - une communauté spirituelle pour donner à l'être humain (l'homme, la femme et la progéniture du couple) une base qui lui permette de s'épanouir en tant qu'être social, de partager et d'échanger, contrairement aux animaux qui sont grégaires ou solitaires,
    - une institution permettant d'assurer dans les meilleures conditions possibles la reproduction de l'espèce humaine, contrairement aux anges qui ne prennent ni femme ni mari.

    Ceci dit, on voit bien a contrario que la divorce party comble un besoin que les gens ressentent, c.-à-d. se libérer d'un poids personnel et social. Au fond, n'est-il pas mieux de ne pas se morfondre sur quelque chose qui n'existe plus?

    Une fête qui fait contrepoids au mariage

    Deuxièmement, la divorce party est unique en son genre. Cinq grands aspects la caractérisent.

    Elle est à la fois
    - un événement festif entre amis et connaissances avec tout ce que cela implique (nourriture, boissons, musique, danses, etc., et bonne humeur), qui peut être plus ou moins sérieux, joyeux, licencieux ou libidineux selon les cas,
    - une fête à connotation laïque et plus ou moins païenne, parfois empreinte de magie ou de sorcellerie (par ex., séances de voyance et d'exorcisme vaudou sur des poupées à l'effigie de l'ex-conjoint), fêtant la liberté ou la libération et célébrant l'individualisme et l'acceptation de la solitude, en ce sens qu'elle défait ou brise le côté religieux, sacramental ou spirituel du mariage tel qu'institué et pratiqué (i.e. la promesse de toujours rester ensemble quoiqu'il puisse arriver, l'union en principe indéfectible de deux êtres ne formant qu'une "seule chair" et ses corollaires que sont la communion des idées, le partage et la solidarité),
    - un rite de passage qui marque symboliquement le départ d'une nouvelle vie, en principe débarrassée des erreurs du passé, comme dans les sociétés traditionnelles africaines ou les sociétés secrètes (Franc-Maçonnerie, Rose-Croix, Chevaliers de Colomb, Templiers, Soufisme et autres organisations initiatiques) ou comme autrefois en Europe jusqu'à la fin du Moyen-Age,
    - une manière de faire la paix avec soi-même et de liquider le plus sereinement possible toutes ses désillusions et rancoeurs (en particulier contre le conjoint et contre la vie d'une manière générale), ce qui est au fond utile pour la santé et le bien-être des personnes concernées et favorable à la paix sociale bien comprise, et
    - une cérémonie presque aussi officielle ou publique que le mariage et qui a ses propres spécificités antinomiques à celles du mariage, avec un cérémonial, divers rituels et des caractéristiques plus ou moins similaires selon les gens qui l'organisent ou les agences d'organisation d'événements festifs qui la préparent.

    On peut effectivement considérer qu'il est triste de voir des gens qui ne s'aiment plus et qu'il est regrettable qu'ils décident de se séparer. Mais la dissolution d'un mariage malsain, qui rend malheureux une personne ou pas vraiment heureux les deux personnes, est au fond une bonne chose en soi. De plus, toute considération idéologique mise à part, ça prend une certaine dose de courage pour se lever et dire "Nous méritons mieux. Rebâtissons une autre vie chacun de notre côté." Non seulement la divorce party permet aux gens d'en terminer avec cette misère affective mais ce rite de passage leur fournit aussi le rituel dont ils pensent avoir besoin pour se guérir et tourner la page. Elle offre à la personne divorcée une façon de célébrer sa nouvelle indépendance, de remercier ceux qui sont restés à côté d'elle pendant la procédure de divorce et d'annoncer officiellement au monde qu'elle est prête à refaire sa vie.


    Telles sont les principales raisons, parmi d'autres qui seront vues plus loin, qui expliquent à la fois pourquoi la divorce party est un rituel qui fait fureur et a contrario pourquoi elle fait l'objet de tant de débats par trop acrimonieux. Il y a en fait un conflit de valeurs, deux grandes conceptions du monde, des rapports sociaux et des relations entre individus qui s'opposent plus ou moins dramatiquement en ce qui concerne la sexualité, le mariage, le sens de la famille, le divorce et la fête et qui se catalysent autour de la divorce-party. Par dessus tout, elle met irrémédiablement fin aux mythes de l'âme soeur, de l'amour éternel, de la permanence du mariage et de l'union à vie. En d'autres mots, la divorce party est le reflet de l'évolution des moeurs.



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